De plumes et d'écailles

Plusieurs heures après avoir rencontré le prédateur, nous atteignîmes enfin le pied des montagnes, que le soleil couchant embrasait de reflets rougeoyants. Nous continuâmes à avancer pendant une trentaine de minutes jusqu’à ce que j’aperçoive un ru qui semblait suinter d’un pan de roche. Autour, l’endroit était parsemé de touffes d’herbe sèche au milieu desquelles poussaient une dizaine de buisson rabougris et un ou deux pins parasol. De plus, la montagne nous surplombant nous abritait d’une grande partie du vent qui s’était levé à l’approche du crépuscule et soufflait en légères bourrasques. Après les dernières nuits passées dans des conditions rudimentaires, établir notre campement ici me semblait presque trop beau pour être vrai.

Je m’empressai de mettre pied à terre, libérant Varech de son harnachement et le laissant aller se rouler, puis boire à longues gorgées bruyantes dans la cuvette que j’avais creusée pour que l’eau y soit plus facilement atteignable. Une fois qu’il fut désaltéré, il se mit à brouter fébrilement, faisant son premier vrai repas depuis des jours. J’en profitai pour le panser longuement, massant ses muscles fourbus et vérifiant qu’il ne s’était pas blessé.

Une fois satisfaite, je récupérai plusieurs poignées d’herbes sèches et des pommes de pins que j’entassai au centre du cercle de pierres que j’avais préalablement aménagé. Je sortis mon briquet et le frottai pour tenter de faire partir un feu. Après quelques tentatives, je parvins enfin à faire naître une minuscule flamme que je protégeai de mes mains le temps de l’attiser. Lorsqu’enfin le feu prit, j’y ajoutai deux grosses branches qui s’enflammèrent rapidement, crépitant joyeusement. J’allai ensuite recueillir un peu d’eau dans un petit récipient en fonte que je posai au milieu du feu. Lorsque l’eau se mit à bouillir, j’y jetai une de mes rations de viande séchée ainsi que quelques herbes aromatiques provenant d’une des petites bourses dont je ne me séparais jamais. Bien vite, le fumet qui montait du bouillon me mit l’eau à la bouche. Il faut dire que mon dernier vrai repas remontait à la soirée passée avec Lunore.

Finalement, n’y tenant plus, je sortis mon plat du feu et en engloutit le contenu, me brûlant la langue dans mon empressement. Mais maintenant que je n’avais plus à rationner mon énergie, je pouvais laisser ma magie courir à nouveau librement dans mes veines et guérir toutes mes brûlures. Je passai la langue sur mes lèvres, enfin cicatrisées, et poussai un soupir d’aise. Je ne comprendrais décidément jamais les peuples du désert, habitués à vivre dans ces environnements et à y subir leurs sévices.

Je me levai et allai rincer mes ustensiles avant de m’asseoir près du feu pour y prendre des notes et esquisser quelques croquis, laissant mon esprit vagabonder et mon fusain me guider. Je repensai à la vieille voyante que j’avais consultée à la Cité des Possibles -plus par curiosité que par réel intérêt- qui m’avait conseillé d’aller voir Emmerielle, dite la Chouette, une druidesse qui avait choisi de vivre loin de toute civilisation, au sommet du Mont Darsten. Lorsque j’avais interrogé la voyante sur la raison pour laquelle elle m’envoyait là-bas, elle avait souri d’un air énigmatique tout en me tapotant la main.

- Tu y trouveras les réponses que je ne peux te donner, m’avait-elle répondu, avant de refuser de répondre aux questions dont je la bombardais. Gentiment mais fermement, elle avait fini par me pousser hors de son échoppe avec encore plus de questions qu’à mon arrivée. Ce n’est pas pour rien que je n’apprécie guère les gens dotés de l’Œil. Ils semblent passer leur temps à trouver des formulations alambiqués et absconse et à générer plus de questions qu’ils n’y répondent.

J’avais sans doute surinterprété ses paroles en pensant qu’elle faisait référence à la situation de Varech mais en l’absence d’une autre alternative, une visite chez une druidesse ne me semblait pas une mauvaise idée. Dans le pire des cas, elle ne pourrait pas m’aider et j’en serai réduite à reprendre mes recherches et dans le meilleur, elle m’offrirait une solution. C’est donc sans hésitations que j’avais fait le tour des commerces de la ville jusqu’à trouver une carte pour me guider. Les adieux avec mon amie avaient été rapides, mon esprit entièrement obnubilé par ma quête. Je savais de toute façon que nous nous reverrions et que nous allions continuer à échanger des lettres grâce à sa buse messagère. Le volatile avait beau ne pas m’aimer, il n’en restait pas moins capable de me retrouver où que je sois.

Secouant la tête, je retournai au présent, le fusain en suspens au dessus de mon carnet. J’y avais tracé des esquisses grossières de diverses créatures, parfois en dépassant dans mes notes. Agacée, je tournai la page et entrepris de remettre au propre mes observations avant de ranger mon matériel dans une des sacoches accrochées à ma selle. La fatigue me rattrapant, je m’allongeai sur le sol et m’endormis rapidement, bercée par les crépitements du feu et les chants des insectes nocturnes.

 
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Au petit matin, je remplis ma gourde à la source du ru avant de sauter sur le dos d’un Varech fringuant et reposé qui piaffait nerveusement, impatient de repartir. À peine en selle, celui-ci s’élança au galop le long du sentier qui s’enfonçait dans la montagne, renâclant joyeusement. Je le laissai faire pendant un temps avant de le faire repasser au pas lorsque le sentier de terre commença à grimper et à se parer de pierrailles aux bords aiguisés. L’air frais et vivifiant de la montagne nous fouettait le visage et nous emplissait les poumons de mille et uns parfums, saturant nos sens engourdis après tant de jours passés dans le désert. L’hiver n’avait pas encore établi son emprise sur les sommets environnants qui couronnaient d’ocre et de bronze les vallées encore verdoyantes et parsemées de fleurs qui s’offraient à nos yeux.

Tout au long de la journée, j’aperçus de nombreux animaux qui semblaient nous observer avec curiosité mais sans méfiance. Il ne devait sans doute pas y avoir beaucoup de voyageurs dans le coin, me fis-je la réflexion, tout en observant un troupeau de chamois qui s’ébattaient non loin. Une dizaine de jeunes de l’année s’amusaient en marge des adultes, cabriolant et escaladant les rochers dans un grand concert de bêlements.

Deux lieues plus loin, nous fûmes attaqués par une pieuvre-roc, une espèce parasite dont j’avais, jusqu’à présent, uniquement vu des reproductions dans des livres. La bestiole se jeta sur la tête de Varech lorsqu’il passe à hauteur de son lieu d’embuscade, enroulant ses tentacules autour de sa tête et de son encolure. Je me jetai à terre tout en dégainant une petite dague d’obsidienne dont j’avais fait l’acquisition à la cité marchande de Leurcan. J’entravai Varech à l’aide de ma magie pour éviter de le blesser et tranchai dans la chair molle. Contrairement à son cousin aquatique, le dos de la pieuvre était recouvert de plaques dures qui firent riper ma lame à plusieurs reprises. Mais lorsque que le céphalopode se retrouva avec deux tentacules en moins et une de ses pattes arachnéennes à moitié tranchée, il finit par se raviser et se détacha soudainement de Varech dans un bruit mouillé. Je lui balançai un grand coup de pied pour l’aider à déguerpir plus rapidement avant de me précipiter vers mon ami qui saignait d’une plaie au milieu du front, là où la créature avait percé sa peau pour se nourrir. Je le libérai de mes entraves magiques tout en le rassurant d’une caresse, avant de m’emparer de ma gourde pour rincer la blessure. Celle-ci ne saignait déjà presque plus, aussi je me contentai de la laisser à l’air libre et entrepris de vérifier qu’il n’y avait pas d’autres dégâts à déplorer. Je ramassai ma dague, que j’avais laissée tomber lorsque la pieuvre s’était dégagée brutalement, et l’essuyai sur mon pantalon avant de la remettre dans son fourreau. Varech roulait toujours des yeux effrayés et piétinai sur place, désireux de quitter les lieux. Je l’attrapai par la bride et nous repartîmes ainsi, marchant côte à côte et guettant d’éventuelles créatures en embuscade.

 
 
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Le crépuscule fut sur nous rapidement et la nuit tomba rapidement, le soleil disparaissant derrière les montagnes environnantes. En cherchant un endroit pour nous arrêter, je vis du coin de l’œil une chimère sortir de sa tanière en s’étirant, quelques mètres au dessus de nous. Elle nous jeta un regard torve mais se désintéressa bien vite, reportant son attention sur les nombreux troupeaux de ruminants sauvages qui se groupaient en aval. La nuit s’avérait compliquée compte tenu de la quantité de prédateurs nous entourant.

Finalement, je trouvai par hasard une cavité bordée d’une herbe épaisse et grasse lorsque je trébuchai sur une roche affleurant. L’abri était assez haut pour que même Varech puisse s’y tenir sans que nous ayons à nous serrer. Je fis un feu près de l’entrée de la caverne après avoir dessellé et pansé Varech qui broutait prudemment, les oreilles aux aguets. Je m’emparai de mon carnet et me mis à dessiner de mémoire quelques unes des créatures que nous avions aperçues dans la journée, mon épée à portée de main, à l’affût du moindre bruit ou mouvement suspect.

Je passai la nuit à veiller, incapable de fermer l’œil plus de cinq minutes, le moindre bourdonnement d’insecte me faisant tendre la main vers mon arme. Aussi, lorsque l’aube pointa, je fus ravie de monter en selle et de m’éloigner du campement. Très vite, nous atteignîmes l’entrée d’un défilé dans lequel le vent s’engouffrait en hurlant lugubrement. J’observai les parois de part et d’autres du couloir. De nombreuses béances sombres se devinaient, présageant d’un possible habitat d’une colonie d’une quelconque créature. Certaines grottes étaient raccordées par un petit passage étroit surplombant le vide à une dizaine de mètres de hauteur. Ça et là, des arbres malingres avaient pris racine et poussai en défiant la gravité. Je n’avais pas la moindre envie de m’engager dans ce passage qui puait les ennuis mais malheureusement, de part et d’autres il n’y avait que des parois verticales qu’il nous était impossible de franchir. Je pouvais apercevoir la lumière au fond du défilé qui ne semblait s’étendre que sur une demie lieue, peut-être moins.

À contrecœur, j’incitai Varech à s’engager dans le passage, la main sur le pommeau de mon épée. Tendus, nous avançâmes tout en essayant de prêter attention aux éventuels indices d’une attaque imminente. L’écho des sabots de Varech foulant le sol résonnait sourdement dans la gorge, occultant tous les autres bruits environnants et nous mettant les nerfs à vifs. Je n’osai prendre le galop, le chemin étant très accidenté par endroits, comme en témoignaient les nombreux éboulements qui jalonnaient notre avancée. À plusieurs reprises, je sentis les poils de ma nuque se dresser, comme si quelqu’un -ou quelque chose- était en train de m’épier. Lorsque je me retournais, il n’y avait jamais rien en vu, hormis de petites chutes de cailloux provoquées par les vibrations que nous générions.

Alors que je me baissai pour éviter une racine traversante, je pus voir quelque chose qui vint confirmer mes soupçons. Cachés au milieu des concrétions rocheuses se trouvaient des excréments dans lesquels se mêlaient os, plumes et poils. Nous étions bel et bien entrés dans le territoire d’un prédateur. Restait à savoir quel type de créature nous pouvions rencontrer. Maintenant que nous étions plus enfoncés dans le couloir, je pouvais nettement voir les nombreuses traces de griffures qui ornaient les murs. L’écartement entre les marques excluait d’office les lions des montagnes auxquels j’avais pensé, ainsi que les ours -il manquait une griffe-. Il y avait aussi des sortes de coulures à côté, comme si la roche avait fondu. Je me raidis sur ma selle lorsque je finis par additionner un plus un. Il n’y a que peu de gros prédateurs vivants dans de tels environnements et avec ces caractéristiques précises. Je recensais la manticore, certaines espèces de dragons, les lamias, certaines espèces de nagas et les basiliques. Il y en avait sûrement d’autres mais c’était là les plus communes et les plus probables. Réflexion faite, je retirai la manticore de la liste, elle ne niche pas en groupe et est même plutôt solitaire, contrairement à notre mystérieux prédateur.

 
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Un sifflement au dessus de moi mit un terme à mes réflexions. Je levai la tête mais n’eus le temps d’apercevoir que le bout de la queue d’une créature reptilienne. Un nouveau sifflement, suivi de deux autres, s’élevèrent des cavités nous surplombant. Il ne nous en fallut pas plus pour détaler, mieux valait risquer une chute que de devoir affronter au moins trois créatures encore non identifiées. Varech slalomait entre les décombres, mi galopant mi sautant tandis que je faisais de mon mieux pour éviter les racines et les pointes minérales qui obstruaient parfois la gorge. Lorsque le goulet s’étrécit, il devint plus compliqué de tout éviter et je finis par passer à travers une concrétion de calcaire qui me fit tousser plus qu’elle ne me fit mal. En revanche, la paroi que je percutai de mon genou, elle, ne s’effrita pas. Je serrai les dents tout en regardant mon articulation qui avait était déboîtée sur le coup. D’un coup de poing, je la remis en place, laissant la magie infuser mes veines et réparer les dégâts internes.

Lorsque Varech trébucha et tomba, je crus que notre dernière heure était arrivée. Je fus projetée à plusieurs mètres devant lui et roulai sur moi pour essayer d’amortir la chute. En me relevant d’un bond pour aller aider mon cheval à se remettre sur pieds, je pus voir ce qui nous poursuivait : des basiliques. Très vite, je détournai le regard, j’avais déjà eu la chance de ne pas croiser celui d’un de nos -nombreux- poursuivants. Ils étaient au moins cinq, il m’avait semblé en voir un sixième mais je n’avais nulle envie de vérifier. Varech debout mais sur trois pattes, j’arrachai l’amulette que je portai autour de mon cou et qui scellai mon autre «moi». Dans une explosion de magie, j’abandonnai mon enveloppe humaine au profit de ma forme de prédilection, un immense équidé d’un noir profond. De la tête je poussai Varech devant moi tout en envoyant une vague de magie vers les reptiles, en guise d’avertissement. Pas impressionnés pour deux sous, les basiliques continuèrent leur progression rapide, leurs sifflements nous poursuivant rageusement.

Nous émergeâmes de la gorge en trombe, débouchant sur une grande vallée au centre de laquelle brillait la surface miroitante d’un lac. Je guidai Varech vers les eaux calmes, plongeant à sa suite. Recouvrant mes yeux d’un écran d’eau, je me retournai et fis face aux reptiles qui s’étaient arrêtés au bord de l’eau et claquaient des mâchoires en sifflant furieusement. J’appelai les eaux à moi, amassant une gigantesque vague devant moi, que j’envoyai sur les basiliques. Le mur liquide les balaya, les projetant violemment contre la montagne.

Une nouvelle fois, je rappelai les eaux à moi, formant une deuxième vague tout en m’avançant, menaçante. Les bêtes avaient eu leur compte et elles prirent la fuite vers leur antre sans demander leur reste, abandonnant sur place le corps sans vie de l’un des leurs qui avait eu la nuque brisée lorsqu’il avait frappé la roche. Je fus tentée de l’avaler mais je n’avais aucune idée des effets que son poison pourrait avoir sur moi et encore moins envie de le découvrir. Je me détournai du cadavre et luttai pour contraindre mon essence impétueuse à reprendre la forme humaine à laquelle je m’étais habituée. Une fois de nouveau bipède, je raccrochai mon amulette et allai rejoindre Varech qui était resté dans le lac, de l’eau jusqu’à hauteur d’épaule.

Je dus cajoler mon ami pendant de longues minutes pour qu’il consente à sortir de l’eau, tout en jetant des coups d’œils nerveux vers l’embouchure du défilé. Il se tenait debout, sur trois pattes, l’antérieur droit légèrement relevé. Son genou était réduit à un amas sanglant de chair et d’os d’où je retirai en plus de multiples éclats de roche. Je ne suis pas douée pour la guérison, mon domaine c’est plutôt la mort et la violence. Le mieux que je pouvais faire c’était de nettoyer et bander sa plaie en espérant qu’il puisse se régénérer seul. Je pouvais cependant l’aider en lui fournissant une partie de mon essence, comme une sorte de réserve de magie supplémentaire. Je concentrai celle-ci dans ma main, sous la forme d’une algue enroulée sur elle-même et la lui offris. Après l’avoir reniflée, il finit par l’avaler et je pus sentir le moment où cette infime fraction de mon essence mourut pour être assimilée par la sienne. J’espérai que cela suffirait pour lui permettre de se remettre sur pied car nous étions au milieu de nulle part et je doutai fortement que nous rencontrions des personnes à même de nous aider dans les prochains jours.

 

Pendant que Varech broutait l’herbe de la prairie, j’entrepris d’explorer celle-ci. Il n’y avait qu’une dizaine de grands châtaigniers dont les feuilles rougeoyantes avaient commencé à tomber à l’approche de l’hiver. Le sol était jonché d’un mélange de bogues et de feuilles mortes qui sentaient bon l’humus. En me cognant le pied sur une roche, je m’aperçus que les arbres avaient été plantés et probablement entretenus à une époque car chaque pied était entouré d’un cercle de grosses pierres, autrefois blanches, qui étaient à présent recouvertes de mousses et de lichens. Intriguée, je farfouillai le sol autour de l’un des troncs jusqu’à dégager une épaisse corde de chanvre à laquelle était accrochées des petites amulettes de bois et d’os taillés.

J’allai alors d’arbre en arbre et j’y retrouvai à chaque fois cette corde épaisse, parfois tombée au pied du châtaignier, parfois encore accrochée autour de son tronc, la couleur de la corde se fondant avec celle de l’écorce. La disposition des arbres ne m’évoquait rien du tout et semblait même avoir été complètement aléatoire. Cependant tous les indices que j’avais trouvés m’indiquaient qu’il s’agissait d’un ancien lieu d’un culte dont j’ignorais tout. Cela n’était pas sans me rappeler les célébrations des Amants Maudits, au Piton du Hérault. Peut-être était-ce là un autre village qui avait été sous la protection d’un des anciens dieux.

Je retournai vers Varech en passant devant de gros éboulements lorsque je vis quelque chose qui attira mon regard. Entre les pierres et les hautes herbes qui poussaient tout autour, de grandes poutres de bois vermoulu finissait de se décomposer. Face à cette nouvelle découverte, je prêtai plus d’attention aux nombreux talus que j’avais tout autour de moi. Pas de doute possible, je me trouvai bien au milieu des derniers vestiges d’un petit village qui avait dû vivre bien longtemps auparavant si j’en jugeais par l’aspect des décombres restants. Ma curiosité piquée au vif, je me déplaçai entre les talus, tentant de reconstruire le village dans ma tête. Là, ce grand bâtiment devait avoir été une sorte de salle de fêtes. Là-bas les trois ou quatre bosses à peine visibles devaient avoir été des habitations. Et ici, une forge, comme en témoignaient les résidus de métal rouillé sur lesquels j’avais failli marcher. Un peu plus loin, de nouvelles habitations et un ancien lavoir, dans lequel j’avais marché par mégarde, mon pied ne trouvant le sol qu’une toise plus bas que ce que j’avais espéré.

Je continuai mon petit jeu de piste pendant deux bonnes heures avant de repartir voir Varech qui se servait à nouveau de son antérieur mais sans toutefois y basculer tout son poids. Je jetai un coup d’œil à la plaie qui était toujours aussi moche en surface mais qui devait avoir commencé à cicatriser en profondeur puisque le membre avait dégonflé et que mon compagnon semblait un peu moins souffrir. Il faudrait cependant encore quelques jours de repos avant que nous puissions de nouveau voyager. Fort heureusement, la vallée dans laquelle nous nous trouvions regorgeait de choses à observer et les ruines que j’avais trouvées allaient pouvoir me tenir occupée un bon moment. Grâce au lac, je pourrais également nous défendre contre la plupart des créatures qui pourraient tenter de nous prendre en chasse, comme j’avais pu le constater face aux basiliques. Le lieu était donc idéal pour y établir nos villégiatures en attendant que Varech finisse de régénérer son articulation endommagée. Cette réflexion faite, je rassemblai nos affaires sur une des berges du lac et creusai un trou pour y installer des feuilles et du bois mort que j’allai récolter pour alimenter le feu que je ferai sans doute ce soir. Mes préparatifs terminés, je m’emparai de mon carnet pour immortaliser les myriades de petites bêtes qui vivaient ici.

Fin du deuxième chapitre

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